Que devrions-nous avoir dans notre radar clinique en tant que psychologue, indépendamment de notre approche, lorsque nous avons un nouveau patient devant nous ? À quoi devrions-nous porter notre attention afin de systématiser notre compréhension de cette personne, au-delà du diagnostic psychologique, pour savoir comment planifier le traitement ?
Il existe 4 grandes approches nosographiques en psychologie qui proposent différentes façons de voir la psychopathologie. Brièvement, il y a d’abord la notion que la psychopathologie représente une entité clinique qui a des limites et qui est constituée de critères statiques. Dans une deuxième approche, on retrouve l’idée d’entité clinique avec des critères, mais le focus est porté sur les liens entre un ensemble de composantes chez l’individu. Une troisième perspective considère la psychopathologie comme étant une condition clinique qui existe sur un continuum, et qui n’est donc pas catégorielle. Enfin, une dernière approche constitue une vision de la psychopathologie comme étant un processus dynamique et dimensionnel.
Dès lors, comment peut-on intégrer tous ces outils en pratique ?
En clinique, la Dre. Julie Dauphin dit commencer par établir sa compréhension clinique du patient pour ensuite définir son diagnostic structural et enfin, déterminer sa formulation selon le DSM-V. Mais tout au long de ce processus, il est important de tenir compte des différents constituants du tableau clinique, qui incluent les modulateurs primaires comme les ressources affectives de l’individu ou le tempérament, ainsi que les modulateurs secondaires, tels que les conséquences concrètes du trouble ou les mécanismes adaptatifs problématiques. Il existe aussi d’autres facteurs pouvant expliquer les différences individuelles tels que la mentalisation, le caractère, l’intelligence, et le style cognitif de l’individu.
Mais revenons au tempérament, qui, selon Dre. Dauphin, est « le grand oublié en psychologie clinique ». Le tempérament, qui relève de et s’étaye sur la constitution génétique, compose des caractéristiques comportementales et affectives stables chez un individu et donc des aspects fondamentaux de la personnalité. Il est influencé par les stress prénataux (p. ex. alcool) qui entraînent des modifications anatomiques de certains noyaux sous-corticaux ayant un impact sur le développement du tempérament. Cependant, son développement ne s’arrête pas après la naissance - la recherche nous démontre qu’il y a une influence du maternage précoce sur les mesures ultérieures du tempérament. Il existe par ailleurs plusieurs modèles du tempérament qui mettent l’emphase sur certaines dimensions plutôt que d’autres. Les dimensions sur lesquelles s’appuie Dre. Dauphin sont celles de Thomas et Chess (1996) qui comprennent :
1) les capacités d’auto-régulation (p. ex. niveau d’activité, capacités attentionnelles)
2) la réactivité à l’environnement (p. ex. sensibilité sensorielle, régularité des rythmes biologiques).
La psychopathologie (diagnostic) est un discours sur la maladie de l’âme, ce qui devrait rapprocher le thérapeute et le patient, et non les éloigner. Les cliniciens se servent des différents outils nosographiques pour essayer de comprendre ce qui se passe chez leur patient, les aidant ensuite à établir un plan de traitement psychothérapeutique. Mais il ne faut pas oublier de prendre en compte les facteurs déclencheurs, d’aggravation et de maintien, ou les composantes expliquant les différences individuelles, comme le tempérament et la mentalisation. L’évaluation et l’intégration de ces éléments lors de la formulation d’un tableau clinique permettent au clinicien de déterminer un plan de traitement adéquat et personnalisé, augmentant ainsi les probabilités que la psychothérapie soit efficace.
Gabrielle Ciquier, M.Sc.