Peut-on repérer les pseudo-thérapies avant les chercheurs?


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Image par Daniel Reche de Pixabay



La question des psychothérapies ayant des effets néfastes semble attirer de plus en plus l’attention des chercheurs. J’ai d’ailleurs abordé ces questions dans deux articles précédents (voir ici et ici), soulignant au passage que certaines formes de psychothérapie peuvent en effet avoir des effets néfastes et devraient fort probablement être évitées.

De nombreuses thérapies sont développées et promues chaque année. Selon certains estimés, il existerait ainsi plus de 600 formes différentes de psychothérapies. Ceci témoigne de la vitalité et de l’innovation dans le domaine, mais pose aussi certains risques. En effet, tant que les chercheurs ne se sont pas intéressés à ces nouvelles thérapies, il est difficile de savoir si elles sont effectivement prometteuses. D’où l’importance, selon Meichenbaum et Lilienfeld (2018), que les cliniciens entretiennent un certain doute envers les nouvelles formes de thérapies mises de l’avant. Pour soutenir les cliniciens dans cette réflexion, les deux auteurs ont donc proposé une liste d’éléments à considérer. La présence de ces éléments, rapportés ci-dessous, pourrait indiquer une pseudo-thérapie, ou du moins une thérapie à l’efficacité douteuse.

  • Les personnes ayant développé la thérapie tendent à faire des affirmations exagérées, sans donnée scientifique à l’appui, qualifiant par exemple la nouvelle thérapie de « révolutionnaire ». Ainsi, les développeurs de la Thought Field Therapy, une forme de psychothérapie « énergétique », affirmaient sans détour que leur thérapie pouvait guérir une phobie en moins de 5 minutes. A ceci s’ajoutaient des affirmations à l’effet que les patients et clients sont entièrement satisfaits et que cette satisfaction est garantie. Or, les « révolutions » en matière de psychothérapie sont rares, les tailles d’effet étant demeurées plutôt similaires ces dernières 30 années.
  • On affirme aussi que si cette nouvelle thérapie ne vous aide pas, rien ne pourra vous aider. Bien qu’une telle affirmation puisse augmenter l’effet placebo, elle peut aussi créer des attentes déraisonnables chez les patients.
  • On met de l’avant que la thérapie doit être apprise d’un maitre, un grand expert qui a souvent un statut de guru.
  • On fait référence à des experts reconnus et bien établis comme preuve du succès de la thérapie.
  • On établit un système quasi pyramidal selon lequel un grand expert forme des cliniciens qui éventuellement deviendront formateurs à leur tour, souvent sous l’égide d’une association quelconque fondée pour les besoins de la cause. On demandera aussi aux cliniciens ainsi formés de ne pas partager avec qui que ce soit les protocoles de traitement. - On offre un programme de certification exclusif pour les cliniciens et inscrira leur nom dans un répertoire de cliniciens « autorisés ».
  • On crée une communauté dédiée entièrement à cette forme de thérapie, permettant ainsi aux cliniciens de se soutenir et de se valider les uns les autres, tout en critiquant les autres approches et les scientifiques s’intéressant à l’approche.
  • On crée un vocabulaire spécifique pour l’approche ou encore on utilise des termes psychologiques qui donnent à la thérapie une certaine noblesse et crédibilité.
  • On fait, lorsque possible, référence à des concepts médicaux (somatiques), neuropsychologiques ou neurologiques, question encore une fois de démontrer le sérieux de l’approche.
  • On questionne les intentions, ou on s’attaque à ceux qui critiquent l’approche, affirmant au passage que si la thérapie n’a pas fonctionné, c’est parce qu’elle a été menée par un clinicien trop peu formé dans l’approche ou incompétent.
  • On cite des « preuves » anecdotiques ou des études de cas peu contrôlées pour démontrer la probité de l’intervention.
  • On ne décrit pas les limites de la thérapie et on évite de faire référence aux contre-indications.
  • On utilise à profusion des termes ou expressions tels « données probantes », « soutenues empiriquement », ou « validées scientifiquement ».
  • Les données empiriques démontrant la supposée valeur de la thérapie sont peu nombreuses et tirées d’études de mauvaise qualité. Les études citées ne sont pas publiées dans des revues scientifiques crédibles, avec comité de lecture.
  • Les groupes de comparaison utilisés dans les études portant sur l’efficacité de l’intervention sont sélectionnés de sorte à favoriser la thérapie (par exemple, en n’utilisant comme groupe de comparaison que des patients ayant reçu aucune intervention).
  • On ne peut faire la démonstration que les ingrédients propres à l’approche sont ce qui explique les effets de la thérapie ou le modèle sous-jacent à la thérapie n’est pas soutenu par les données de la recherche.
  • On explique que les études démontrant la faiblesse de l’approche sont peu crédibles.
  • On évite d’aborder l’effet d’allégeance, c’est-à-dire la tendance des chercheurs adeptes de l’approche à la favoriser dans le cadre d’études.
  • On évite de reconnaitre la valeur des facteurs communs à toutes les thérapies (par ex., l’alliance thérapeutique, l’effet placebo, l’importance de l’espoir).

Quoiqu’imparfaits, ces quelques repères peuvent être utiles aux cliniciens pour identifier des thérapies aux effets potentiellement douteux ou exagérés par les auteurs de l’approche. A ceci s’ajoutent l’importance capitale de la recherche scientifique, de la formation continue et de la confrontation des idées dans le cadre de congrès et colloques, lesquelles nous exposent à une diversité de points de vue et nous obligent à une certaine humilité en tant que clinicien et clinicienne.

Référence

Meichenbaum., D., & Lillienfeld, S. (2018). How to spot hype in the field of psychotherapy: A 19-item checklist. Professional Psychology: Research and Practice, 49(1), 22–30.

Par Martin Drapeau, Ph.D., Université McGill

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